Deux Maximes de Rationalité Émotive.

©Ronald de Sousa
University of Toronto

[Texte provisoire d'un article maintenant publié dans sa version finale 
in Emotion und Vernunft/Emotions et Rationalité, dir. Emil Engehrn & Bernard Baertschi, Verlag Paul Haput (2000) 15-32 .]
 
 

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Que les émotions participent à la vie rationnelle ne fait plus guère de doute. Cependant la rationalité des émotions ne saurait se comprendre entièrement d'après le modèle de la rationalité instrumentale, comme si les émotions n'étaient que des actes, ni sur celui de la rationalité épistémologique, comme si elles n'étaient autres que des croyances. Je me propose de mettre en lumière cette différence en faisant valoir deux principes de rationalité émotive qui ne semblent pas dériver de principes de rationalité pratique classiques. Il s'agit de deux principes qui portent sur la temporalité : le principe d'adéquation aspectuelle, et le principe de Philèbe. Avec le recul d'une optique biologique, on peut cependant entrevoir leur bien-fondé.
 


Emotions et Valeurs

Les philosophes ont longtemps caressé l'espoir de montrer que la morale n'est autre que la rationalité bien comprise. Par ailleurs, on a voulu voir une opposition irréductible entre la raison et les émotions. Mises ensemble, ces deux doctrines relèguent les émotions à un rôle auxiliaire, sinon positivement néfaste, dans la quête d'une conduite morale : les émotions corrompent nos meilleures intentions et nos projets rationnels, et nous poussent à poursuivre des buts à courte échéance qui nuisent à nos propres intérêts, si étroitement égoïstes qu'ils soient.

Pourtant les émotions sont de toute évidence au centre de notre vie mentale, et le mépris des théories éthiques envers elles est paradoxal. En effet, la notion même de morale n'aurait aucun sens si les émotions n'existaient pas. C'est par ce que nous ressentons que les conséquences de nos actes ou de ceux des autres nous intéressent. Cette observation banale nourrit l'espoir de réhabiliter les émotions et de leur reconnaître un rôle dans la rationalité, aussi bien que dans le fondement de la morale.

Dire que l'on accorde un rôle aux émotions dans la morale, ce n'est pas préciser en quoi ce rôle consiste. Plusieurs positions possibles s'étalent sur une échelle qui marque différents degrés d'objectivité. A gauche (si l'on peut dire) il y a l'émotivisme, qui incarne un subjectivsme extrême. Selon cette doctrine, toute opinion morale n'est que l'expression d'une émotion.[1] Si l'on pense corriger un jugement moral erroné, on ne peut qu'exprimer une autre attitude émotive. Tout à droite, on trouve un objectivisme Platonique qui verrait dans toute émotion une intuition qui nous permet d'accéder à un univers moral objectif. Ces positions extrêmes sont sans nul doute indéfendables. Elles laissent cependant assez d'espace entre elles pour que nous puissions distinguer au moins deux autres positions plus vraisemblables. A côté du subjectivisme, on peut caractériser le Naturalisme; plus près de l'objectivisme, on peut camper l'Axiologisme. C'est cette dernière position qui formera la toile de fond du présent exposé. Mais esquissons d'abord ce que j'entends par naturalisme.

Le naturalisme se démarque par le refus de la distinction entre le normatif et l'état de fait. Certains états d'esprit (à commencer par le plaisir et la douleur) sont intrinsèquement motivants. Par conséquent la valeur qu'on leur attribue se passe de justification. L'argument de Moore (1903), comme quoi on peut toujours demander si le plaisir est une bonne chose, se trouve congédié sans autre, qualifié de simple pétition de principe : on peut bien la poser, dira le naturaliste, mais la réponse affirmative, à l'image du Cogito cartésien, sera toujours plus certaine que tout ce qu'on pourrait avancer dans le but de la soutenir ou de l'infirmer. Il faut donc renoncer à lui chercher un fondement.

Comme beaucoup de renoncements, cette perspective austère n'est pas sans avantages. Elle permet aux différences de valeur de se dessiner clairement en noir et blanc. Mais, par là même, elle manque de couleur. En vertu de l'attention qu'il prête à la motivation, et donc à la question du comportement, le naturalisme entraîne une sorte d'aplatissement des valeurs, et la notion d'émotion morale en demeure curieusement appauvrie. On peut s'en rendre compte lorsqu'on la compare avec les notions de pensée morale ou d'acte moral. En effet on ne saurait exiger que les pensées morales ou les actes moraux se rangent facilement dans un petit nombre de catégories fixes. Les émotions seraient-elles intrinsèquement simples ? Une telle conclusion ne ferait guère justice à la complexité émotionnelle d'une oeuvre de Tolstoï ou de Proust. Une notion de valeur pluridimensionnelle s'impose. (de Sousa 1974). Mais la multiplicité des échelles de valeurs, à son tour, rend celles-là impropres à la détermination directe du comportement. On peut dire, pour prolonger la métaphore de la couleur, que celle-ci élargit la gamme de notre expérience, mais sacrifie la gradation univoque qui va du noir au blanc.

L'hypothèse Axiologique est naturaliste dans un sens large, mais elle n'est pas condamnée à accepter l'aplatissement des valeurs, car elle rejette l'idée qu'il soit possible de ranger tout ce qui s'inscrit dans le domaine de la valeur le long d'une seule échelle. Pour la déontologie, toute alternative s'inscrit dans la dimension qui seule débouche sur le choix d'une action. Or l'axiologie garde ses distances envers toute conclusion strictement pratique. Elle peut donc envisager un nombre indéfini de nuances et de dimensions incommensurables. Le point de vue axiologique considère certaines émotions comme des perceptions de valeurs (de Sousa 1987, chap. 12), (Tappolet 1995), qui nous apprennent quelquechose sur le monde. Les émotions prétendent donc (du moins dans certains cas) à l'objectivité, mais à une objectivité relative. Le paradoxe n'est qu'apparent : en effet, si l'on entend par objectivité indépendance par rapport à l'observateur, les valeurs ne sont pas objectives, puisque rien n'aurait de valeur sans qu'il existe d'organismes capables de ressentir quelque chose.

Voilà donc la différence cruciale apportée par le point de vue axiologique à la notion de rationalité. L'optique axiologique permet de séquestrer un niveau d'adéquation ou d'erreur indépendant de toute valeur instrumentale. Cette qualité d'adéquation est analogue à la vérité, conçue naïvement comme une sorte de correspondance. Cependant la différence de ce mode de correspondance est qu'il représente non pas une dimension unique comme celle de la Vérité, mais un nombre indéfini de dimensions dont chacune se rapporte à une propriété distincte qui caractérise l'objet formel de chaque état affectif. Les qualités qu'attribuent implicitement nos réactions esthétiques mettent bien ce point en relief : en effet, à part le jugement sommaire qu'on peut porter sur une oeuvre d'art comme étant "bonne" ou "mauvaise", les réactions esthétiques n'ont aucun lien direct avec le comportement; elles se distinguent les unes des autres par leur adéquation (plus ou moins grande) à différentes qualités. Ainsi la peur est jugée plus ou moins adéquate par rapport à la dimension du danger; l'amusement, à la dimension de l'amusant, et ainsi de suite. Il s'agit là de ce qu'on pourrait appeler les émotions standard. Mais celles-ci ne forment qu'une petite proportion de toutes les émotions qui constitue notre répertoire émotionnel. Souvent ni les émotions ni leurs objets formels n'ont de noms dans nos langues. Elles n'en sont pas moins spécifiques, et susceptibles d'être plus ou moins adéquatement liées les unes aux autres. Je pense, pour donner un exemple, à la première représentation que j'aie eu l'occasion de voir de En attendant Godot. L'oeuvre de Beckett venait de sortir; j'avais treize ans. A côté de moi se trouvait une dame très grave qui n'y voyait que sens tragique. Pendant un échange particulièrement clownesque qui déclenchait le rire général, elle se pencha vers moi pour me chuchoter bien haut : "Mais il ne faut pas rire! Ce n'est pas censé être drôle!" Cette dame avait sans doute objectivement tort, et pourtant elle percevait aussi quelque chose d'objectif, un élément sans nom, qui ressemblait au sens tragique sans l'être à proprement parler, et envers lequel elle ressentait une émotion, sans nom elle aussi, dont l'adéquation à cette scène dans sa totalité faisait défaut.

Cette brève esquissse devra suffire a établir la toile de fond sur laquelle se dessineront les deux maximes que je veux proposer. Il s'agit de principes de rationalité émotionnelle qui semblent irréductibles aux principes conventionnels qui régissent la croyance et l'action. Par principes conventionnels, j'entends le syllogisme pratique d'une part, et la théorie de la décision d'autre part. Le syllogisme pratique pose une fin en guise de prémisse majeure, et déduit une action à exécuter à l'aide de prémisses mineures qui relient les moyens à la fin posée par la majeure :

J'ai faim;

manger cette nourriture assouvirait ma faim

Donc, il faut la manger.

Quant au calcul délibératif de la théorie de la décision, on peut le concevoir comme fondé sur le modèle Bayesien. C'est le type de raisonnement qui gouverne explicitement les jeux de hasard, et implicitement tous les autres actes, puisque tout acte peut être considéré comme un pari au sens large. Exemple : je prise la fumée, mais aussi ma santé. Si je puis établir un degré de désirabilité f au plaisir de fumer, et un degré c au cancer, je peux soupeser les branches de l'alternative qui se présente à moi en les pondérant de leur probabilité et de celle de leur contraires.  Ainsi ma décision de continuer de fumer ou de ne plus fumer tiendra compte de la probabilité conditionnelle du cancer et du plaisir de fumer, étant donné que je continue ou que je cesse de fumer. Il sera rationnel de continuer de fumer, pourvu que la somme des désirabilités pondérées de la fumée plus le cancer et de la fumée sans cancer, reste plus haute que la somme des désirabilités pondérées de la privation de fumer plus le cancer et de la privation sans cancer.

Cette formule présente un puissant instrument critique. Mais il est notoire qu'elle n'est pas en mesure de fixer les valeurs originales des paramètres concernés, et particulièrement des degrés de désidérabilité. Par ailleurs, il semble intuitivement plausible de penser que certaines modifications systématiques de ces paramètres sont plus rationnelles que d'autres. Ainsi on peut toujours se défendre de l'accusation d'être incohérent dans ses préférences d'après la norme Bayesienne, en faisant valoir un changement d'avis. S'il est incohérent de préférer A à B, B à C, et en même temps C à A, on peut toujours soutenir qu'entre le moment de manifester les premières et les dernières préférences, on a modifié ses priorités. La théorie Bayesienne est sans ressources pour sanctionner de tels changements. A moins de se résigner à abandonner tout jugement de rationalité qui transcende l'instantané, il faut donc recourir à d'autres principes, qui posent certaines contraintes supplémentaires par rapport à la théorie de la décision.

L'existence de tels principes ne fait guère de doute. L'estimation de la valeur de certaines options plus ou moins lointaines, par exemple, donne vraisemblablement lieu à un certain escompte. Appelons hédo, si vous voulez bien, l'unité hédonique. Il semble entièrement raisonnable de n'accorder à un plaisir de 100 hédos recevables dans un an que l'équivalent de 90 hédos sur le moment. On peut n'être pas d'accord sur le taux d'escompte qui convient; mais il semble raisonnable de faire reposer ces principes sur la supposition que la distance dans le temps ou l'espace a un effet direct sur la probabilité des divers aboutissements, et par là sur leur désirabilité totale. George Ainslie (1992) a montré les conséquences importantes qui découlent du taux d'escompte, qui semblerait defini par une sorte de loi psychologique caractérisée par une formule hyperbolique. Une telle formule n'est pas totalement arbitraire, dans la mesure où on peut montrer qu'elle se calque sur une simple image géométrique qui représente les transformations que subit la grandeur apparente d'une forme lointaine à mesure qu'on s'en approche. (fig. 1).
J'ai déjà commenté cette formule ailleurs, et je n'y reviendrai pas. (de Sousa 1997a). Je compte plutôt me pencher sur deux autres principes qui se rapportent à la temporalité. Il s'agit de deux principes qui semblent gouverner la rationalité de certaines émotions. Ils sont complémentaires de la rationalité qui régit la simple adaptation des moyens à leurs fins, sans qu'on puisse les déduire ni de la logique, ni de la rationalité Bayesienne. Néanmoins, nous verrons plus loin qu'une certaine perspective biologique serait peut-être en mesure d'expliquer l'intuition sur laquelle ils reposent.

Le premier concerne le côté << aspectuel >> de certaines expériences. Il s'agit du principe d'adéquation aspectuelle du désir à son objet. Il s'agira en second lieu d'un principe qui régit le rapport entre une émotion ressentie dans l'imagination d'un état futur, et l'évaluation que l'on fait du plaisir effectif que nous procurera cet état futur lui-même. Je défendrai la plausibilité de ce principe, avancé pour la première fois par Platon, et que, pour honorer son origine, je désignerai par le nom de Principe de Philèbe. Après avoir décrit ces deux principes, je tâcherai de répondre à trois questions : Tout d'abord, ces deux principes sont-ils effectivement irréductibles à la rationalité Baysienne orthodoxe ? Deuxièmement, peut-on les expliquer comme étant des principes fonctionnels qui dérivent de la logique de la sélection naturelle ? A cette deuxième question, je tenterai de répondre par un "peut-être" qui penchera plutôt vers l'optimisme pour ce qui est du principe de Philèbe, mais plutôt dans l'autre sens pour ce qui est de la notion de rationalité aspectuelle. Troisièmement, peut-on tout de même espérer intégrer ces principes dans un cadre biologique dans le sens large du mot ? A cette troisième question, je tenterai dans un esprit spéculatif de donne une réponse affirmative.

Le côté aspectuel de l'expérience.

Aristote notait déjà une distinction importante, mais souvent oubliée aujourd'hui, entre diverses façons d'envisager le déroulement des événements dans le temps. Il distinguait en effet les notions d'état (hexis) (par exemple : le fait d'avoir faim;) d'accomplissement (kinesis) (par exemple : gagner une course, écrire un article) et d'activité (energeia) (NE II-5, X-4). Une activité, comme un état, n'a pas de durée fixe qui soit détérminée par sa nature même. En revanche, un accomplissement suppose une série de phases plus ou moins distinctes, et n'existe comme tel qu'après que soit terminée la dernière de ces phases. Un état, comme une activité, peut cesser d'exister pour une raison ou une autre, mais ni l'un ni l'autre ne contiennent de fin intrinsèque (au sens de finalité) qui constitue en même temps leur fin (au sens de terminus) .

Pour Aristote, l'eudaimonia était surtout affaire d'activité et non d'accomplissement ni d'état. Ces catégories ne sont pas sans leur côté flou (la pensée est le cas par excellence d'une energeia, par exemple; cependant la solution d'un problème intellectuel ne serait-elle pas un accomplissement ? ) Cette idée est fort vraisemblable comme expression d'une certaine sagesse, et suscite deux sortes de questions.

D'abord, one peut se demander pourquoi l'activité jouerait un rôle particulièrement important dans le bonheur. En effet, certaines composantes de l'eudaimonia semblent plus naturellement décrites comme étant des états ou des accomplissements. Le plaisir et la santé, par exemple, est plutôt facilement conçu comme étant des états; et d'aucuns diraient certainement que le succès -- athlétique, professionnel ou autre -- joue un rôle essentiel dans une vie heureuse; or le succès semble être un exemple typique d'accomplissement. Pourquoi donc Aristote privilège-t-il l'energeia ? Je mets cette question de côté pour y revenir plus bas.

La deuxième question surgit dès que l'on remarque que les types de propriétés que distingue ainsi Aristote rappellent les catégories purement syntactiques que les linguistes appelent aspects : On apprend aux étudiants en grec que l'aoriste n'est pas à proprement parlé un temps, puisqu'il indique non pas une position relative d'un événement dans la dimension temporelle, mais une certaine façon d'envisager son déroulement dans le temps : ponctuel, duratif, fréquentatif, ou parfait, c'est à dire achevé. De fait, ces distinctions ne s'appliquent pas qu'aux langues étrangères qu'on apprend à l'école à appeler les temps des verbes en français ou en anglais sont souvent mieux compris comme étant des aspects. L'imparfait en français exprime d'habitude un aspect continu, le passé simple exprime plutôt un aspect ponctuel, et le passé composé typiquement un parfait. Le present simple en anglais n'est pas en réalité un simple temps, comme on peut s'en rendre compte en comparant "he works at the university " et "he is working at the university" . Seul la seconde expression nous dit ce qu'il fait au moment présent : la première n'exclut pas qu'il ne soit, au moment en question, ni en train de travailler ni à l'université.

On peut donc poser la question : Quel est le rapport entre les catégories aspectuelles grammaticales et les catégories distinguées par Aristote ? Il semble bien qu'elle soit liée, d'une part, qu'elles ne sont pas sans rapport. Mais au premier abord, il semblerait que l'aspect grammatical ne saurait distinguer des propriétés intrinsèques des événements auxquels il se rapporte. J'ai fait du ski; je fis du ski; je faisais du ski : ces expressions peuvent servir à attirer l'attention sur un même événement, mais envisagé d'un point de vue approprié à des contextes différents. Or il est peu vraisemblable que l'apport de bonheur qui découle d'un événement donné ne tienne qu'à la façon dont on envisage son déroulement dans le temps, plutôt qu'à ses propriétés intrinsèques.

Comment une distinction purement grammaticale pourrait-elle influencer le rôle que joue une certaine chose dans la détermination de l'eudamonie ? C'est à travers le désir suscité par la perspective d'un événement , que le caractère objectif de l'activité se voit lié à la subjectivité qui s'exprime à travers l'aspect grammatical de la formule qui le définit. Tout désir doit être (tant soit confusément) formulé; on peut donc lui attribuer des propriétés syntactiques qui ne sauraient être directement liées à des événements concrets. L'établissement de ce rapport entraîne la possibilité de poser la question de l'adéquation de l'aspect du désir au caractère intrinsèque de son objet.

Pour mieux mettre en relief la signification de la notion d'aspect, voyons d'abord comment on pourrait soulever la question de la rationalité par rapport à la simple position temporelle de l'événement par rapport au moment où le sujet l'envisage. On a vu qu'une option à venir est escomptée en fonction de la période qui nous en sépare. Mais comment choisirait-on parmi des options dont l'une est à venir et l'autre est dans le passé ? Y a-t-il une formule rationnelle qui permette de répondre à la question : "Que préféres-tu : recevoir $100 demain, ou avoir reçu $100 hier ? "

On peut imaginer des contextes où la question pourraît n'être pas absolument absurde. Dans un cas d'amnésie, par exemple, où un sujet qui ignore tout de sa situation et ne sait même pas questioni il est a l'occasion de se choisir une identité : derrière un tel voile d'ignorance,[2] l'étrangeté de la situation rendrait la question intelligible, dans la mesure où elle en traduirait une autre : préféreriez-vous être un personnage qui a reçu $100 ou qui va les recevoir ? Mais dans ces circonstances, et en toute autre circonstance normale, une telle question n'aurait de sens que dans la mesure où elle ne serait qu'un détour qui se rapporte au moment présent.

Il n'en est pas de même lorsque au lieu de poser une alternative en fonction du passé et de l'avenir, on la pose en fonction d'un aspect temporel. Car certaines perceptions ou certaines émotions semblent naturellement se présenter sous un certain aspect.[3] En particulier, le désir peut parfois avoir comme objet un événement considéré sous un aspect ou sous un autre. Le désir de courir dans une course, par exemple, peut se présenter comme le désir d'une activité -- la course elle-même -- ou au contraire elle peut se presenter comme un désir d'avoir quelque chose au parfait.

Les cas les plus intéressants sont ceux qui fournissent une alternative, dont une branche semble plus "raisonnable" que l'autre. Voyons par exemple le cas du touriste pressé. "Que préféres-tu : visiter le Louvre, ou avoir fait le Louvre ? " Plus d'un touriste pressé, s'il était tout à fait sincère, donnerait la deuxième réponse. Pourtant on en serait gêné, parce qu'on se rend compte que dans un certain sens c'est la mauvaise réponse. Je ne sais pas trop comment justifier un tel verdict, pourtant il me semble évident qu'il est normalement irrationnel de préférer certaines choses que l'on envisage sous l'aspect du parfait : vouloir avoir visité un musée plutôt que visiter un musée, avoir fait l'amour plutôt que faire l' amour, avoir écouté un beau morceau de musique plutôt que l'écouter, toutes ces formules laissent entendre que l'activité en question n'est pas véritablement source de jouissance en elle-même. Or ce sont là justement (à certaines exceptions près) précisément le genre d'activités qui se justifient par leur qualité intrinsèque et non comme moyen pour accéder à une valeur distincte d'elle-même . Inversément, (et sans vouloir nier qu'on puisse là aussi imaginer des contre-exemples), il me semblerait tout à fait rationnel de préférer avoir rangé ma chambre au processus de ranger ma chambre.

Voilà donc le principe de l'adéquation aspectuelle de l'émotion à son objet.[4] Quel pourrait être le fondement d'un tel principe ? D'où viendrait sa vraisemblance ?

En dépit de l'expression usuelle qui parle de "savourer le moment", on ne peut envisager un accomplissement sous l'aspect de la durée, puisque tout instant, y compris celui qui transforme un processus en un accomplissement, est sans durée. Par contre rien ne m'empêche de désirer arriver à l'instant qui conclut un certain processus ou une certaine activité. De plus, il n'y a rien là d'irrationnel, pour autant que cette activité vise explicitement à l'accomplissement d'une tâche ou à l'achèvement d'un processus dont la valeur dépend en partie ou en tout de l'atteinte de son but. Cependant ce n'est pas toujours le cas, comme le montrent les exemples que je viens de citer. En particulier, si Aristote a raison de voir dans l'activité libre de toute contrainte une condition essentielle de l'eudaimonia, il est peut-être irrationnel de placer le gain monétaire, en tant qu'accomplissement, au-dessus de l'activité qu'est la contemplation philosophique.

Un tel verdict peut pourtant sembler arbitraire. Voilà qui nous rappelle à la première question posée plus haut : à quoi tient la supériorité de l'activité, ou de ce qui peut être appréhendé sur l'aspect du continu ? Cette question peut maintenant se diviser en deux :

(a) Quelle est l'origine de la valeur supérieure de l'activité ?

(b) Pourquoi dire qu'un désir qui ignore la supériorité de cette valeur est irrationnel plutôt que simplement mal avisé ? À la première question, on peut se risquer à opposer une spéculation. Ce qu'Aristote appelle energeia, c'est aussi ce que l'on pourrait appeler l'activité ludique par opposition au travail. Le travail, c'est ce qui se justifie par un but dont il ne fait pas lui-même partie. L'activité ludique, par contre, porte en elle sa justification et sa valeur. (v.Bernard Suits, 1972) Dans la réalité, ces deux catégories sont rarement disjointes. Cependant la notion d'energeia pose comme idéal une activité ludique pure, et l'on peut se demander sous quel angle on pourrait justifier la prééminence d'une telle idéalisation. Après avoir dûment noté le fait que l'activité, par définition, n'a pas de rendement précis sous forme de résultat concret, on peut vraisemblablement poser l'hypothèse que les organismes dits "supérieurs" on besoin d'une disponibilité cognitive qu'aucun apprentissage, ni aucune capacité ne peut suffire à façonner si elle se limite à maîtriser un projet utilitaire quel qu'il soit. En effet la nature même d'un projet utilitaire, c'est de trouver sa justification dans la solution d'un certain problème concret. Or il est vaisemblable que chez les enfants comme chez les scientifiques mûrs, les niveaux de réorganisation cognitives qui constituent le progrès intellectuel ne sont possibles qu'à travers une exploration désintéressée (Gopnik & Meltzoff 1997). Sur le plan biologique, seule l'utilité de l'activité ludique repose précisément sur le fait qu'elle n'en a pas.

Noter que cette adéquation entre dans l'esprit du programme axiologique, puisque d'une part elle semble objective dans le sens qu'elle dépasse l'individu; par ailleurs, cependant, elle se base sur certaines réalités humaines plutôt que logiques ou métaphysiques.

La second question, qui concernait la différence entre une accusation d'irrationalité et une simple erreur, trouve par la même occasion sa réponse : la différence entre une simple erreur et un cas d'irrationalité est que la seconde est de second ordre, dans le sens qu'elle gouverne les conséquences générales et statistiques d'une certaine politique. Être irrationnel, c'est manquer à minimiser les erreurs à la longue. Dans un cas spécifique, on peut discuter l'à-propos d'une certaine attitude en fonction de circonstances particulières. Mais en tant que tactique émotionnelle générale, l'oubli du ludique est irrationnel parce qu'il empêche le développement de capacités essentielles à l'être humain.

Le principe de Philèbe.

Le deuxième principe que je voudrais préconiser touche au problème bien connu de l'acrasie, ou "faiblesse de volonté". Ce problème se présente tout d'abord -- dans le Protagoras de Platon où il fait pour la première fois son apparition -- comme un dilemme pour l'hédonisme psychologique. En effet son existence semble impliquer que dans la lutte entre différents mobiles, le plaisir est à la fois gagnant et perdant dans une seule et même situation. Gagnant, puisqu'il semble évident que c'est sous la coupe du plaisir que nous agissons de façon à contredire notre "meilleur choix", et perdant, puisque dans l'optique de l'hédonisme, ce meilleur choix lui-même ne saurait être défini qu'en termes de supériorité globale du plaisir impliqué dans ce choix. Cependant une certaine conception radicale de l'hédonisme, qu'on peut baptiser l'hédonisme immédiat, rend compte assez facilement de ce phénomène. Il suffit de constater que la désidérabilité d(A) du résultat futur d'une action A prise sur le moment n'a qu'un rapport contingent, et non logique, avec la désidérabilité du choix de faire A dans le moment présent. La situation de l'acratique peut alors se caractériser à l'aide de la formule suivante:

(1) d(A) > d(B) & Choisir(A) < Choisir(B)

En langage clair, je juge que A est préférable à B, tout bien considéré; mais l'acte de choisir A, lui, est jugé moins agréable que l'acte de choisir B. Or le choix est déterminé par le plaisir qu'apporte l'acte lui-même, et non par celui qui est envisagé dans la planification de ce dernier.

Dans l'optique de l'hédonisme immédiat, on peut postuler que tout désir suppose un plaisir anticipé. Cette dernière expression est ambiguë. Elle désigne à la fois le plaisir que l'on ressent au moment où l'on envisage l'événement futur, et le plaisir que cet événement procurera lorsqu'il aura lieu. La situation de l'acratique implique une disproportion entre la mesure hédonique du plaisir que l'on anticipe, et celle du plaisir apporté par l'anticipation elle-même. La formule (1) s'applique donc bien à l'état d'esprit de l'acratique. Mais si cette formule n'a rien de contradictoire, l'état qu'elle décrit n'en est pas moins irrationnel. On a donc raison de convaincre l'acratique d'irrationalité. Son irrationalité ne se passe pas uniquement (comme on le suppose d'ordinaire) au niveau de son choix, mais au niveau de son affectivité même. Son irrationalité consiste justement en ce qu'il ne respecte pas le principe de Philèbe, qui se formule simplement ainsi:

(PP) Le plaisir de l'anticipation doit rester proportionnel au plaisir anticipé tel qu'il sera en réalité.

Dans le Philèbe, Platon défend l'idée qu'on peut parler de plaisirs faux, qu'il ne faut pas confondre avec les faux plaisirs. Les interlocuteurs de Socrate soutiennent qu'on peut bien ressentir un plaisir qui repose sur une fausse croyance -- on peut se réjouir d'avoir gagné le gros lot d'une loterie, disons, alors qu'en réalité on n'a rien gagné du tout. Cependant, poursuivent-ils, le plaisir lui-même n'en est pas moins véritable. C'est un vrai plaisir tout de même. (Philèbe 38a)

Platon ne le nie pas. Il insiste cependant sur le fait que le plaisir d'anticipation a pour objet immédiat une sorte de peinture dans l'âme, qui peut être plus ou moins ressemblante en tant que portrait du plaisir anticipé. (Philèbe 39a-40d) Le plaisir d'anticipation se réfère donc à un autre plaisir, le plaisir anticipé, et peut être considéré comme une représentation erronée de ce plaisir futur.

Il n'est pas nécessaire de suivre Platon jusqu'au bout de ce raisonnement : je ne m'obstinerai donc pas à parler d'un plaisir faux. Je constaterai seulement qu'il existe une relation contingente entre les deux plaisirs, et qu'il est irrationnel que cette relation ne maintienne pas une certaine proportionnalité constante.

Il vaut la peine de souligner que l'envers de la possibilité de l'acrasie est la possibilité du progrès moral et émotionnel. Une telle possibilité suppose en effet qu'il peut y avoir, en matière de morale comme d'émotions, des erreurs susceptibles d'être corrigées. La disproportion entre le plaisir anticipé et le plaisir d'anticipation en fournit justement un exemple. L'acrasie est un état conflictuel : or, sans conflit, pas de progrès. Le principe de Philèbe s'inscrit donc clairement dans l'optique générale de l'axiologisme, pour laquelle les émotions constituent, du moins parfois, des perceptions de valeurs. Comme toutes perceptions, celles-ci peuvent à l'occasion être erronées. Mais comme dans d'autres cas de perception erronée, l'erreur ne se corrige que moyennant d'autres perceptions.

L' arrière plan biologique

Il est temps d'aborder nos trois questions.

La première concernait le rapport entre nos principes et la théorie de la décision classique. Il est clair, je crois, que ni le principe d'adéquation aspectuelle ni le principe de Philèbe ne sont des théorèmes de la théorie de la décision.

L'adéquation aspectuelle ne saurait être assimilée à un principe de la théorie de la décision, puisque elle ne concerne pas la désidérabilité elle-même, mais bien la façon dont cette désidérabilité est envisagé dans son déroulement temporel.

Quant au principe de Philèbe, on peut mieux faire ressortir son indépendance du calcul Bayesien classique si on lui oppose un cas typique d'irrationalité, assez proche de celui qui m'occupe, mais qui semble entièrement réductible au schéma classique. Je veux parler d'une certaine sorte de projet irréalisable. Envisageons le cas d'un agent qui est incapable de résister à telle tentation (disons : la tentation de faire T) dans les circonstances C (Elster 1979). S'il se connaît lui-même, il saura que le projet suivant est irréalisable : Se mettre dans la situation C, et ne pas faire T. Il semble donc irrationnel de former ce projet, dans la mesure où il est irrationnel de former un projet irréalisable.

La différence du cas qui nous occupe tient au fait qu'il ne s'agit ici d'aucun projet, irréalisable ou non. Il s'agit simplement d'une anticipation émotive. Cette anticipation émotive peut agir sur moi comme un mobile, mais qu'elle le fasse ou non ne fait l'objet d'aucune nécessité logique. C'est donc bien la relation entre l'émotion du moment et son objet futur qui est taxée d'irrationnelle.

On pourrait pourtant objecter que le choix de (A) ne peut être considéré séparément de A, puisque par hypothèse la désidérabilité d(A) inclut tous les facteurs quelconques qui pourraient être considérés comme pertinents. Le plaisir ou la peine que nous donne le choix lui-même doivent donc être compris dans la valeur qu'on attribue à d(A). Et le choix de (A), à son tour, n'a de sens que s'il se base sur d(A)[5].

Malgré la justesse de ces observations, cette objection n'est pas probante pour les raisons suivantes. On peut, certes, envisager la force motive d'un désir présent comme étant le résultat d'un amalgame de la valeur attribuée à l'événement en perspective, d'une part, et de celle qui s'attache au choix sur le moment, de l'autre. Mais on ne saurait insister, sans commettre de pétition de principe, que ces deux composantes ne peuvent être départagées. Tout d'abord, ce serait là exclure a priori la possibilité de l'acrasie, ce qui semble arbitraire en regard de l'ampleur des débats que cette question a suscité depuis Socrate. Deuxièmement, il est difficile de nier que l'on puisse évaluer une perspective donnée plus ou moins correctement, et difficile aussi de nier qu'une telle évaluation pourrait ne pas engager de jugement passionnel. De là il n'y qu'un petit pas à la possibilité qu'un certain engagement passionnel soit erroné par rapport à l'événement envisagé, dans le sens précis requis par l'hypothèse présentée ici. Mais ce qui tranche nettement la question, c'est que l'attitude émotive qui est amenée par mon jugement quant à d(A) et qui motive mon choix est liée causalement, mais non logiquement, à la valeur émotionnelle du choix lui-même. Par conséquent il est toujours possible que la relation entre eux soit perturbée. Le principe de Philèbe exprime la contrainte normale qui définit cette relation, et sa violation constitue donc le cas pathologique.

Il reste cependant à expliquer pourquoi cette contrainte existe. C'est ce qui nous ramène là la deuxième des questions posées plus haut : si elle ne se réduit pas à la rationalité Bayesienne, quelle est le fondement de cette contrainte ? Une réponse semble s'imposer : c'est que sans le principe de Philèbe, on serait condamné à ce qu'il n'y ait qu'une relation aléatoire entre ce que je ressens maintenant et ce que je ressentirai plus tard. Or la corrélation entre les deux sert à quelque chose, du point de vue évolutif. L'émotion que je ressens aujourd'hui envers quelque perspective d'avenir ne m'est utile que si elle peut me fournir une indication fiable quant à ce que je ressentirai plus tard. Bafouer ce principe, c'est garantir que l'avenir que l'on choisit aura une valeur aléatoire par rapport à la valeur de ce choix lui-même. C'est un peu comme si, dans une décision portant sur des activités en plein air, on se laissait guider par des prévisions du temps qui ne se rapportent que par hasard à la période envisagée.

Ici comme dans le cas de l'adéquation aspectuelle, il est clair qu'il s'agit bien d'irrationalité, et non simplement d'erreur dans un cas particulier, car il n'est pas de relation particulière qui soit requise dans chaque cas de plaisir d'anticipation, mais bien une proportionnalité en général. S'il fallait juger de la rationalité d'un cas particulier où le principe ne se trouve pas respecté, il serait tout aussi raisonnable de dire qu'on a meilleur temps de maximiser tout plaisir, même si c'est pour être déçu plus tard. Encore une fois, c'est par son effet à la longue que le principe de Philèbe s'impose : il s'agit donc bien là d'un principe de rationalité.

Conclusion

Tout compte fait, le point de vue biologique se doit de s'appuyer sur le comportement, puisque seul le comportement peut donner directement prise à la sélection naturelle. Mais les différents principes qui régissent la rationalité peuvent se situer plus ou moins en recul de la sélection naturelle. Dans cette optique, les deux principes dont il a été question ici occupent chacun une position différente. Le principe de Philèbe, malgré son aspect d'abord paradoxal du point de vue de la maximisation de la totalité hédonique, n'est apparemment qu'à une opération près de la rationalité classique. En effet, il se justifie--du moins en partie--dès que l'on prend compte de l'influence sur la motivation--et par là sur le comportement--que peut avoir le plaisir qu'on éprouve dans la contemplation d'une perspective à venir.

Du fait même qu'il donne lieu à une explication--fût-elle incomplète--à partir de postulats biologiques, ce principe a de plus un caractère qui permet de le ranger dans la catégorie que j'ai qualifiée de noir-et-blanc : il se comprend finalement par son utilité pratique.

Le principe d'adéquation aspectuelle, par contre, semble plus éloigné de l'exigence biologique. Il aurait plutôt sa source en commun avec les principes esthétiques, dans leur acception traditionnelle qui veut qu'ils soient coupés de tout intérêt pratique.[6] C'est ce qui lui permet d'épouser des valeurs qui ne portent pas directement sur les chances de succès du comportement, et qui s'étale sur de multiples dimensions incommensurables.

Même là, pourtant, il est permis de penser que la biologie n'y est pas pour rien. En effet, ce qui caractérise surtout les êtres supérieurs que nous nous targuons d'être, c'est la disponibilité cognitive. Or, cette disponibilité repose justement sur l'activité ludique : chez l'enfant comme chez le scientifique, il saute aux yeux que l'apprentissage le plus important est celui qui ne porte sur aucun but particulier au moment même. Il porte plutôt sur l'élargissement de nos facultés cognitives. Et celles-ci comprennent, dans la perspective axiologiste, nos facultés émotives dans toute leur complexité.
 


**NOTES**

[1]:La défense la plus sérieuse de ce point de vue demeure celle qu'entreprit Stevenson (1944)

[2]:La notion est évidemment empruntée à Rawls (1987). Il va sans dire que l'usage que j'en fais n'a aucun rapport avec le sien.

[3]:Le beau titre du livre de Janet Landman (1993) fournit l'exemple du regret, qu'il qualifie de façon saisissante de persévérance du possible.

[4]:On pourrait se demander pourquoi le principe est formulé en fonction de l'émotion, alors qu'il semble concerner principalement le désir. C'est que justement, la distinction entre les aspects temporels semble concerner la façon d'envisager l'objet, chose qui touche à l'optique axiologique, plutôt qu'au simple fait de vouloir réaliser l'objet -- qui touche à la fonctionalité du désir comme tel, c'est à dire comme facteur déterminant de l'acte.

[5]:Fabienne Pironnet a fait valoir cette objection à un colloque à l'Université Montréal en février 2000.

[6]:Ceci n'implique nullement que le clivage entre les considérations désintéressées de l'esthétique et les considérations pratiques puisse être tenu pour acquis. Au contraire, j'ai expliqué dans (de Sousa 1997b) pourquoi je me suis vu contraint d'abandonner l'espoir que l'on puisse préserver un domaine d'esthétique désintéressée pure.

Ouvrages Cités

Ainslie, George. 1992. Picoeconomics: the strategic interaction of successive motivational states within the person. Cambridge University Press.

de Sousa, Ronald. 1974 "The Good and the true". Mind 83: 534-551

de Sousa, Ronald. 1987. The Rationality of Emotion . MIT Press.

de Sousa, Ronald. 1997a. "What can't we do with economics ? Reflections on Ainslie's Picoeconomics". Journal of Philosophical Research 22:197-209

de Sousa, Ronald. 1997b. "Fetishism and objectivity in aesthetic emotion". In Emotion and the arts, dir. Mette Hjort & Sue Laver. Oxford University Press.

Elster, John. 1979. Ulysses and the Sirens: Studies in rationality and irrationality. Cambridge University Press.

Gopnik, Alison, Meltzoff, Andrew N. 1997 Words, thoughts, and theories. MIT Press.

Landman, Janet. 1993. Regret: the persistence of the possible. Oxford University Press.

Moore, G.E. (1903) Principia Ethica. Cambridge University Press; rev. ed. T. Baldwin, 1993.

Platon, 1959 Philèbe et Protagoras, in Oeuvres complètes. Léon Robin <tr. et notes> NRF Bibliothèque de la Pléiade.

Rawls, John. 1987. Théorie de la justice trad. de l'américain par Catherine Audard. Seuil.

Stevenson, Charles L. Ethics and Language. New Haven, CT: Yale University Press

Suits, Bernard H. 1972. The Grasshopper: Games, Life, and Utopia. Toronto: University of Toronto Press.

Tappolet, Christine, 1995. 'Les emotions et les concepts axiologique', in Raisons pratiques,dir. P. Paperman et R. Ogien, vol. 4, 1995, 237-57. Paris : Ed. de l'Ecole des hautes études en sciences sociales.

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